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Analyse d’un pavage de MC Escher : Geogebra et Imprimante 3d !
Article mis en ligne le 13 mars 2024
dernière modification le 14 mars 2024

par Philippe Jonin

L’étude des pavages d’Escher au collège est un grand classique pouvant donner lieu à des activités passionnantes pour les élèves, mêlant mathématiques exigeantes et découvertes artistiques. L’usage des outils numériques comme GeoGebra dans ces activités n’est pas une nouveauté non plus, en témoigne cette brochure de l’académie de Créteil de 2011 (page 51). Ce que nous propose dans cet article Philippe Jonin est cependant novateur par l’utilisation pertinente de l’impression 3D et une étape de manipulation dans une activité de grande qualité didactique. Une façon de dépoussiérer efficacement un grand classique.

 Introduction, liens avec les programmes, objectifs

Dans le cycle 4 de nouvelles transformations (symétries centrales, translations, rotations, homothéties) font l’objet d’une première approche, souvent construites sur l’observation de leur effet sur des configurations planes, essentiellement à partir par exemple de manipulations concrètes (papier calque, quadrillage, …) ou virtuelles (logiciel de géométrie dynamique).
En seconde il convient aussi de consolider les notions sur les configurations géométriques abordées au collège et de prolonger leur étude. On travaille en particulier les compétences chercher, expérimenter – en particulier à l’aide d’outils logiciels .

Cette activité pourra donc s’inscrire dès la fin du cycle 4 et trouvera aussi sa place en seconde.
On se propose ici d’analyser un tableau de MC Escher : « Regular division drawing with lizards, no. 25 » India ink, pencil and watercolor, January de 1939.
https://www.escherinhetpaleis.nl/escher-today/repeating-reptiles/?lang=en

Tableau de MC Escher « Regular division drawing with lizards »
Le travail d’Escher possède une importante composante mathématique. Il s’intéressa notamment aux pavages du plan, s’inspirant entre autres de ceux de l’Alhambra, les transformant en remplaçant leurs motifs par des figures d’animaux ou de plantes.

L’idée sera de mobiliser les connaissances des élèves pour analyser et comprendre comment Escher a construit cette œuvre.
Nous utiliserons le logiciel GeoGebra ainsi qu’une imprimante 3D pour rendre concret le travail sur le pavage.

À gauche le pavage original de MC Escher avec dessus un travail fait sous GeoGebra (identifier un motif et des rotations). À droite une réalisation à l’imprimante 3D pour reproduire une partie du pavage.

 La découverte du motif

On part du tableau d’Escher que l’on importe sous GeoGebra comme image de fond.
Et l’on donne aux élèves, qui travaillent dans en premier temps individuellement sur leur poste informatique, cette consigne : « Délimiter le motif de base (Le lézard) et construire le polygone associé ».

Utilisation de GeoGebra pour identifier le motif

 Une imprimante 3d

Pour donner une dimension plus concrète, j’utilise alors une imprimante 3D pour imprimer le motif identifié précédemment. Il permettra des manipulations réelles et donnera la possibilité de construire en final le pavage physiquement !
On peut essayer, à partir du pointage réalisé, de construire un fichier imprimable par l’imprimante. Mais en pratique, le pointage manque de précision et ne donnera pas de bons résultats.
J’ai donc utilisé un fichier STL de grande qualité téléchargeable ici.

Le motif obtenu à l’imprimante 3D.

Je fournis donc rapidement à chaque groupe d’élève un unique motif imprimé (de couleur noir).

 Identifier sur le tableau un pavage classique hexagonal !

Si l’on observe attentivement le tableau, on aperçoit que l’artiste a laissé la marque d’un pavage classique hexagonal :

On aperçoit sur le tableau un pavage hexagonal !

Je demande alors aux élèves de le reproduire (toujours en surimpression) : naturellement il ne s’agit pas de reproduire chaque hexagone individuellement, mais de partir d’un motif, cette fois hexagonal, et de le dupliquer par transformation : les élèves de seconde pourront ici réinvestir leurs connaissances sur les translations et les vecteurs associés.

Le pavage hexagonal sur l’image originale.

 Relier les deux motifs : le lézard et l’hexagone

Je fournis alors un fichier GeoGebra à manipuler (deux curseurs) pour expliciter le lien entre les deux motifs : je n’insiste pas ici sur les centres des rotations ni les angles mis en jeu : ce sera l’objet de la prochaine étape !

Le lien entre le lézard et l’hexagone

 Identifier les rotations : les centres et les angles

On comprend mieux à présent le motif du lézard.
Mais reste à saisir comment à partir du motif créer le pavage : pas question ici de translation : on fait émerger l’idée de rotation…
Comment alors trouver le (ou les …) centre(s) et les angles associés ?
On va demander d’identifier ces rotations en partant de couples de points homologues : on trace les segments et leurs médiatrices, on identifie ainsi 3 centres de rotations et deux angles : un de 120° et un de 240° (sens trigonométrique) : soit 6 rotations…
On pourrait aussi naturellement considérer deux rotations de 120 ° l’une dans le sens trigonométrique et l’autre dans le sens horaire : j’ai choisi ici de ne travailler que dans le sens trigonométrique. Ce choix me semble plus abordable pour les élèves, mais on pourrait procéder autrement !
Il conviendra cependant d’être attentif au moment de l’affichage de l’angle : bien tenir compte de l’orientation…

Sans trop de surprise, on observe que ces centres se situent sur trois des sommets de l’hexagone et l’on comprend mieux alors l’étape précédente) …

On a tracé sur le pavage deux segments de points homologues ainsi que leurs médiatrices. On obtient
l’un des centres de rotation. On peut mesurer l’angle : ≈ 241° sur le dessin.
Sur le motif imprimé, on identifie les centres de rotation.

On identifiera aussi sur le motif 3D imprimé les 3 centres de rotation.

 Modéliser avec GeoGebra les 6 rotations

On demande alors aux élèves de modéliser les rotations avec GeoGebra. Les élèves les plus à l’aise pourront utiliser un curseur (pour les angles) et animer la figure …

Les rotations sous GeoGebra

Reproduire les images par les rotations avec les motifs imprimés}

Je distribuer alors à chaque groupe (de quatre élèves), trois lézards gris et trois lézards blancs avec pour consigne : « Reproduire successivement les deux parties du pavage obtenues par rotation du motif ».

Le motif de base et les trois rotations de 120°.
Le motif et les trois rotations de 240°.
Le motif et les 6 rotations !

 Conclusion

L’utilisation conjointe du logiciel de géométrie dynamique et l’impression 3d ont facilité la démarche de recherche et de validation des élèves.
La manipulation réelle des motifs pour construire le pavage a amélioré la compréhension de la situation. Il est frappant de constater que des élèves qui avaient pourtant parfaitement réalisé le travail avec le logiciel se trouvaient pourtant en difficulté lors de la construction réelle du pavage : ils éprouvaient souvent le besoin de revenir sur le travail théorique pour comprendre les emboitements. Certains réalisaient même les rotations sur les motifs 3D.
Enfin, ce cadre artistique, outre son aspect motivant, permet d’illustrer en quoi une culture mathématique enrichit la lecture des œuvres et la perception de l’environnement.